Un désert archétypal

Un léger vent faisait voleter les grains de sable en direction du sud, et seul son souffle troublait le silence parfait de cette immense plage. Immense est le mot qui convient puisque la mer la plus proche se trouvait à plus de 800 km.

Du reste quelqu'un partant dans la direction opposée aurait du parcourir aussi 800 km pour apercevoir la cité et ses habitants.

Bref, autant dire que l'on était au milieu de nulle part.

Aucun animal ne survivait dans ces dunes, un dieu y avait veillé. La plus petite bactérie avait été impitoyablement traquée et supprimée. C'était, hors du vide absolu, l'environnement le plus dépourvu de vie qui se peut concevoir.

Au centre exact de ce cercle de 800 km de diamètre, au cm près, se trouvait une table de jardin, d'un méchant plastique blanc, sur laquelle reposait un vaste choix de bouteilles rempli soit d'une vaste variété d'alcool, soit de jus de fruits.

Encadrant cette table, deux rocking-chairs dépliés invitaient au farniente.

Alors que les étoiles commençaient à apparaitre dans le ciel crépusculaire, l'occupant du rocking-chair de droite tendit la main pour saisir le seul des deux verres qui fut déjà plein, et commença à siroter son white-russian.

Un hypothétique observateur décrirait l'homme buvant comme quelqu'un d'ordinaire. Plutôt grand, une musculature relativement impressionnante (comme si son propriétaire avait fait de la prison mais, une fois relâché, avait négligé de l'entretenir dans une salle de musculation) et une pose générale laissant sourdre une menace latente envers qui le provoquait.

Ses yeux étaient mémorables : ils changeaient de couleur en fonction de l'éclairage. Capable de varier du bleu acier au gris orage, ils étaient pour l'instant braqués en direction de la ville.

L'autre détail mémorable de l'homme était son teint. Intégralement noir. Mais d'un noir si intense qu'il semblait nier l'existence même de la couleur. En résumé, une ombre tridimensionnelle était tranquillement assise sur ce rocking-chair.

Au niveau habillement l'homme semblait avoir décidé de s'encombrer un minimum : il ne portait en tout et pour tout qu'un pantalon en matière synthétique de couleur gris.

L'homme ne semblait pas dérangé par la froideur se répandant au fur et à mesure que le soleil descendait sur l'horizon toutefois, par précaution, un perfecto (également en matière synthétique gris) pendait négligemment à un des montants du rocking-chair. On devinait aux bosses de ses poches qu'il devait transporter un téléphone portable et un pda.

L'avant bras droit de l'homme était recouvert d'un bracelet de force en cuir noir, à trois bandes d'attaches, sous lesquelles une mince lame d'argent était glissée.

Enfin, à proximité de sa main gauche, un fourreau laquée noir contenant un katana reposait, planté droit dans le sable.

L'homme souriait sardoniquement en pensant à la plaisanterie dont il était l'auteur : désormais en ville, tous les panneaux et autres encarts publicitaire était magiquement modifié. Quand on songe aux nombre de panneaux qu'une telle mégalopole doit contenir, et si on y ajoute les flyers et autres publicités dans les journaux, on pouvait rester stupéfait devant la dépense magique que l'homme avait acquitté sans sourciller.

Désormais, et jusqu'à l'arrivée de son invité, les publicités présentait un aspect uniforme :


JiMBo ne doutait pas qu'Aël verrait bientôt son défi, et viendrai lui rendre visite pour reprendre une ancienne conversation.

Alors qu'un léger bruissement commençait à troubler le silence surnaturel du lieu, JiMBo bu la dernière gorgée de son white russian. Il venait de réaliser instantanément que sa plaisanterie avait atteint son but, et - au moment précis ou le panneau publicitaire s'écrasait au sol - il reposa son verre sur la table.

JiMBo détourna légèrement la tête pour conserver la silhouette ailée bondissant dans l'atmosphère cristalline dans son champ de vision et, lorsque le bruit de l'arrivée de l'ange fut apaisé, JiMBo modifia très légèrement sa position pour pouvoir sortir rapidement de son rocking-chair au cas où la situation l'exigerai.

"Bon...je présume que c'est de toi ça. Je savais que t'étais un petit farceur, mais elle est vraiment pas mal celle-là... Je me prend un verre de jus de fruits et on démarre, ou t'es pressé ?", déclara Aël.

Un sourire de bienvenu flottant sur ses lèvres, JiMBo fit un léger geste d'acceptation du compliment et, désignant le verre inutilisé, déclara à son tour :

"Je ne te ferai pas l'insulte de te servir, toi dont la réputation de barman s'étend en plusieurs lieux... Sens-toi libre néanmoins de corser ton jus de fruit si le cœur t'en dit. Je te tiendrai compagnie avec un simple verre d'eau..."

Aël réalisa alors que le verre ayant contenu la boisson du magicien venait de se nettoyer et de se remplir entre le moment ou il avait fixé JiMBo et celui ou il avait reporté son attention sur la table garni de bouteilles.

"...et profite du siège à ta disposition si tu le souhaite. Nous avons du temps devant nous. Cette nuit sera éternelle..."

Au moment ou ces mots étaient prononcés, la dernière lueur du soleil disparu derrière une dune - à croire que le grand ordinateur* avait calculé son timing pour cet effet - laissant nos deux protagonistes baignée par la froide lueur des étoiles et de la lune.

*

Spoiler:

"Et bien, là tu te flattes" déclara JiMBo sur un ton amusé, "il en faudrait plus que ça pour m’incommoder. Et pour le reste, je t'ai invité ici parce que je n'avais pas envie de devoir reconstruire le décor après ma victoire..."

Alors qu'Aël s'apprêtai à répondre, JiMBo repris la parole après avoir souhaité par geste une bonne dégustation à l'Ange et pris une gorgée de son eau.

"Je plaisante... En fait l'idée, c'est de te pousser dans tes derniers retranchements : pas de publics, pas de décors... Nous ne pourrons qu'utiliser nos pouvoirs et les éléments naturels. Bref, comme on dit, sur le moment ça me paraissait une bonne idée... Et puis avoue que le décor est splendide dans le genre dépouillé."

Alors qu'Aël tournait la tête pour regarder JiMBo, il constata que le blouson qui auparavant pendait sur le dossier, était désormais sur le dos de son futur adversaire sans que celui-ci n'ai fait un mouvement.

"Au fait, si toutefois nous avons le temps avant de commencer, j'ai une question à te poser : comment un ange spécialisé dans l'utilisation du feu se retrouve à faire le barman, métier liquide s'il en est ?"

Spoiler:

"Merci pour le renseignement, ça m'intriguait un peu"

JiMBo termina rapidement le reste de boisson dans son verre et sorti lentement de son siège.

Après avoir tranquillement reposé le verre sur la table, il saisit de la main droite la garde du katana planté dans le sable, pendant que des éclairs grésillant autour de sa main gauche se jetaient sur la table et les chaises, les dissolvant dans l’éther.

"Bon, bah étant l’offensé, tu devras porter le premier coup, moi je suis prêt"

Ce disant, JiMBo dégaina le katana dont la lame brillait par son absence. Alors qu’il prenait sa posture de combat, (katana, tenu d’une main, levé à partir du bas ventre) la lame de ce dernier apparut soudain sous la forme d’une lueur d’abord rouge sans, puis acier, puis bleu pâle… un peu comme si le katana avait fait pousser sa lame à partir de l’atmosphère ambiante et avait hésité sur l’élements qui allait handicaper l’ange.

Lorsque le regard d’Aël se reposa sur les traits de JiMBo il constata que la peau de ce dernier avait viré au noir complet et que seul les yeux bleus pâles de l’homme ( ?) fournissait une touche de couleur au visage et au corps du guerrier.

Ce dernier attendait désormais la première attaque de l’ange…

Ben voyons... Beau boulot... pour un amateur !

Ce disant, l'ombre baissa, lentement, la "lame" de son katana jusqu'à ce que la pointe s'enfonce dans le sable.

Le problème, vois-tu, mon ange, c'est que tu n'es vraiment pas une lumière...

Relevant brusquement la lame du sable, une poigné de sable parti en direction des deux Aël... Le sable traversa donc l'illusion d'Ange, et rebondit sur la poitrine trop matérielle de l'auteur de l'illusion.

Je vais être sympa : la prochaine fois n'attaque pas sur mon terrain... Mais comme je t'en dois une, je te laisse encore une chance déclara l'homme noir tout en redressant la garde de son katana